Le vaisseau Vuitton : La Genèse

Un projet pharaonique est né de la rencontre entre la vision d’un patron philanthrope, Bernard Arnault et la créativité d’un architecte de génie, Franck Gehry.

Ce fantasme démesuré fut celui de créer à Paris, un nouveau musée, qui s’inscrirait durablement dans le paysage de la création contemporaine. Treize ans après les premiers échanges des deux hommes, la Fondation Louis Vuitton voit le jour à Paris, à la frontière du Bois de Boulogne et du Jardin d’Acclimatation, institution récréative fréquentée depuis plus d’un siècle par les petits parisiens. J’ai eu la chance d’assister à cette inauguration en présence des deux maîtres bâtisseurs…

EMERGENCE DU BATIMENT

Bernard Arnault, président du luxueux groupe LVMH, est discret et serein. L’homme arrive enfin à l’accomplissement d’un rêve qui l’a animé plus d’une décennie après avoir vu de ses propres yeux, ce que pouvait être une oeuvre de l’architecte américain Franck Gehry, le musée Guggenheim de Bilbao. Ce choc, Jean-Paul Claverie, conseiller du président, l’avait pressenti. En 2001, il organisa très rapidement une entrevue à New-York, et l’enthousiasme que suscita le projet fut immédiatement partagé. Commença alors un long parcours administratif pour trouver un emplacement emblématique qui puisse accueillir ce nouveau musée. Le groupe LVMH qui détenait déjà le Jardin d’Acclimatation, devait désormais passer par les fastidieuses étapes d’urbanisme : destruction de bâtiments existants comme le Bowling de Paris, désamiantage…pour obtenir le précieux sésame du permis de construire. 11000m² furent ainsi réunis pour laisser naître l’un des plus beaux monuments contemporains de la Capitale. On devine alors pourquoi, lorsque l’on demande à Bernard Arnault son lieu de prédilection pour admirer ce bâtiment, il répond sans hésitation : «depuis le Jardin d’Acclimatation,» là où, dans son imaginaire, il entrevoyait déjà le musée s’ériger depuis les profondeurs de la terre.

UN MUSEE EN MOUVEMENT

Franck Gehry évoque, avec émotion, ses souvenirs de Paris dans les années 60 au coeur de Saint Sulpice et comment le processus d’interaction avec Bernard Arnault a été excitant pendant toutes ces années. Il souhaite surtout que le bâtiment ne soit pas «statique» et imagine déjà des transformations possibles, comme cette proposition de Daniel Buren de le dessiner entièrement. Véritable prouesse technologique, la Fondation a été conçue dès le début comme un projet pilote et référence en matière de HQE ( Haute Qualité Environnementale). Ce sont plus de 3500 panneaux de verre et 19 000 panneaux de béton fibré qui ont été moulés dans une ingénierie particulièrement complexe, pour devenir des voiles courbées qui s’élancent vers le ciel. Franck Gehry, confie, plus poétiquement avoir réalisé « un violon» et laisser désormais le soin à Suzanne Pagé, (directrice artistique de la Fondation) « de jouer avec.»

DE L’ART AU MECENAT D’EXCEPTION

La Fondation Vuitton aurait tout aussi bien pu s’appeler la fondation LVMH, mais Bernard Arnault a souhaité que Louis Vuitton soit à jamais associé à l’art contemporain. Depuis les années 80, la prestigieuse maison a en effet multiplié les collaborations artistiques pour enrichir la créativité de ses collections; on se souvient des sacs dont le monogramme LV s’est vu habiller de couleurs ou de petits pois, au gré des rencontres avec les artistes Stephen Sprouse, Takashi Murakami ou encore récemment avec Yayoi Kusama. Un dialogue créatif qui s’est construit également dans l’élaboration des vitrines des boutiques Vuitton, en invitant tour à tour Olafur Eliasson, Ugo Rondinone ou Bob Wilson à s’exprimer. Aujourd’hui, la Fondation Louis Vuitton accueille des commandes emblématiques pour son inauguration : des installations qui prennent diverses formes: promenade vidéo, enquête anthropologique, création sonore. Un cheminement d’oeuvres avec dans l’Auditorium, un travail d’Ellsworth Kelly, dans le Grotto une oeuvre d’Olafur Eliasson ou encore dans les galeries des créations de Sarah Morris, Taryn Simon ou Cerith Wyn Evans.
Et comme un clin d’oeil à l’univers du voyage de Vuitton, quelques anciennes malles surplombent le restaurant «le Franck», où des poissons lumineux virevoltent dans cet incroyable navire, offert par Bernard Arnault aux visiteurs, puisque la Fondation Louis Vuitton sera dans le domaine public dans 55 ans.

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