Meet the Man : Richard Collasse, pdg de Chanel Japon

Richard Collasse est président de CHANEL au Japon où il vit depuis plus de 30 ans, il est aussi écrivain. Il publie son troisième roman « L’Océan dans la Rizière » qui a pour toile de fond le tremblement de terre de l’an dernier au Japon. L’occasion de recueillir le témoignage d’un homme, qui connaît parfaitement la culture nippone et qui a vu le drame de beaucoup plus prêt.

Comment avez vécu cette catastrophe ?

A moindre effet, nous l’avons vécu, comme vous, sur grand écran, choqué par cette tragédie de taille biblique mais nous ne l’avons pas vécu dans notre chair. Il a fallu que j’aille sur place, environ 1 mois après, pour me rendre compte de l’ampleur des choses sur le plan humain. Des villes qui existent depuis 200 à 400 ans, ont été complètement rayées de la carte, avec tout ce qui fait leur tissu : les êtres humains, l’histoire des gens et des familles. Sur 500 kilomètres de côtes, toutes les villes, tous les villages, tous les ports ont été entièrement rasés. C’est pourquoi, j’ai décidé d’écrire un roman dont le cadre est la tragédie du 11 mars, pour essayer de ramener à dimension humaine cette catastrophe de dimension biblique.

A titre personnel avez-vous eu envie de quitter le pays pour protéger votre famille ?

Lorsque les réacteurs de Fukushima ont explosé, j’avais des informations de l’ambassade de France qui étaient beaucoup plus concrètes que celles du gouvernement japonais. Je ne veux pas critiquer le gouvernement japonais, car un des soucis pour eux était d’éviter la panique, imaginez le résultat d’une panique sur une ville de 30 millions d’habitants comme Tokyo ! J’ai donné à mes collaborateurs, majoritairement japonais, la possibilité de mettre leur famille à l’abri s’ils le souhaitaient. Je n’ai pas ordonné une évacuation hors de Tokyo parce que cela aurait été dangereux qu’une société avec une aussi forte visibilité que Chanel le fasse. 10 à 12 % des collaborateurs ont décidé de quitté la ville, et on leur a payé les frais de transferts et d’hébergement.

Comment vit la population aujourd’hui ?

Les Japonais ont une capacité à encaisser les catastrophes qui est phénoménale et qui tient à un fait historique : ils sont sur une île où il y a des tremblements de terre, des typhons, des glissements de terrains, des pluies diluviennes. Dans l’ADN des japonais, il y a cette supposition que les choses ne sont pas durables. Contrairement à des civilisations de pierre et de béton, les maisons et les constructions sont ici de bois et de paille, et par essence éphémères. Il y a une fatalité, un fort sentiment que les choses sont temporaires et amenées à changer et à disparaître. Pour décrire les japonais on peut parler de courage, de patience, de résilience. .. Aujourd’hui, ils ont surmonté cette catastrophe.

 

Quel est l’impact sur la consommation de la clientèle de luxe ?

Les affaires ont repris de façon toute à fait étonnante, au début les gens se sont enfermés chez eux et faisaient des achats discrétionnaires, on ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi rapide. Cette résilience, ça tient non seulement à la mentalité des japonais qui ont décidé de surmonter ce drame, cette capacité à revivre. Aujourd’hui dans Tokyo, on a l’impression qu’il ne s’est rien passé.

Les touristes eux, ne sont pas revenus, notamment les chinois, ce qui est un paradoxe car ils sont dans un pays hautement plus pollué. Les touristes ont certes la peur de l’atome, mais ils ont également peur d’un prochain tremblement de terre.

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Vivez-vous dans la peur à Tokyo?

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Aujourd’hui, il n’y a pas plus de risque, la situation est quasiment maîtrisée. Il n’y a plus d’émission de réactivité, mais il y a une zone entre 30 et 50 kilomètres autour des centrales de Fukushima qui est contaminée et vers laquelle les populations ne pourront pas retournées pendant des dizaines d’années. Environ 130 à 140 000 personnes ont été déplacées. La centrale est sous contrôle aujourd’hui, le refroidissement des matières premières est acquis et ils sont en train de procéder à la mise sous sarcophage de tous ces réacteurs qui ont explosé.

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Quelle a été votre contribution suite aux événements ?

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Je me suis rendu dans la zone frappée par le Tsunami au nord, dans des villes comme Kensennuma, Rikuzentakata ou Minamisanriku. Comme beaucoup de gens, j’ai donné une somme à la Croix-Rouge, mais je me suis rendu compte que cela ne me satisfaisait pas et j’avais pas mal de collaborateurs de Chanel qui souhaitaient d’une façon ou d’une autre contribuer sous forme de volontariat.  J’ai décidé d’aller voir sur place ce que nous pouvions faire et comment canaliser cette énergie. J’ai constaté que de très nombreuses femmes dans des refuges n’avaient pas eu la possibilité de se nettoyer le visage, encore moins de se maquiller depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois. J’ai suggéré de faire venir des maquilleurs pour s’occuper de ces femmes et nous nous sommes aperçu qu’elles étaient extrêmement demandeuses. Le simple fait de prendre soin de leur visage leur apportait un confort énorme sur le plan moral. Environ 600 femmes ont bénéficié de cette opération « Smile in Tohoku » et nous avons l’intention de continuer car les volontaires sont de moins en moins nombreux sur place.

Evidemment, c’est une contribution très modeste, une goutte dans cet océan de tragédie et de malheur. Il reste beaucoup à faire, la reconstruction n’a pas vraiment commencé, d’abord car on est encore à un stade de nettoyage, de déblaiement puis il  y a une question fondamentale  et une responsabilité morale énorme de la part du gouvernement et des décisionnaires pour savoir où reconstruire ou non. Ce sont des questions qui sont encore tout à fait en suspend.

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