Le patron de la Maison Clarins nous a reçu pour un entretien exclusif autour des engagements et de la responsabilité de la célèbre marque de cosmétiques. Très vite, l’interview s’est orientée autour du développement durable. Christian Courtin-Clarins s’est révélé, en effet, être un authentique passionné de la protection de l’environnement et un vrai connaisseur de cette thématique.

Quel a été l’élément déclencheur de votre implication dans le développement durable ?

Lorsque j’étais petit, je m’intéressais aux plantes et au jardinage. Je me rendais très souvent avec mon père au Jardin des Plantes. L’été, avec ma famille, nous nous rendions au Cap Nègre, où il y avait un énorme jardin. J’étais ami avec le fils du jardinier. Son père me montrait les plantes et j’en apprenais davantage, notamment sur la biodiversité qu’on ne connaissait pas à l’époque. Il était très fier parce qu’il n’utilisait pas d’engrais. Aujourd’hui encore, je continue à jardiner.

J’ai aussi découvert le biomimétisme très tôt puisqu’il y a eu une exposition au Musée des Sciences Naturelles du Jardin des Plantes. Lors de cette exposition, j’ai par exemple appris que l’utilisation de l’huile de purcellin, une huile que l’on trouve sur les plumes de canards, permet à un canard de ne pas se mouiller et de glisser dans l’eau. Lorsque l’on incorporait cette huile dans les camions de pompiers, cela permettait à l’eau de mieux glisser et à la lance à incendies d’envoyer l’eau jusqu’à 30% plus loin. Il s’agissait des débuts du biomimétisme.

Dans les années 80, la biodiversité est arrivée. Cela était vraiment passionnant parce qu’il y avait beaucoup d’erreurs humaines commises notamment avec la monoculture. Je ne parle pas des pesticides, mais simplement de la façon dont on plantait. En 1985, lorsque ma fille Virginie est née, je me suis posé la question qu’aujourd’hui on se pose de plus en plus : que vais-je donner à manger à mes enfants ? Ma fille pourra-t-elle aller nager dans la mer sans être au milieu des détritus, des plastiques ? Avec le succès de Clarins, nous étions alors déjà numéro 1 en France depuis 5 ans, j’ai réalisé que nous avions un devoir, celui d’engager la société sur ce que l’on appelait à l’époque le commerce équitable et la protection de la nature, une idée qui s’est précisée vers les années 2000, lorsque l’on a commencé à parler de développement durable.

Christian Courtin Clarins

La matière première a-t-elle toujours été une préoccupation de la maison Clarins ?

Nous nous sommes toujours interrogés sur la différence entre un produit de luxe et un produit non luxe. C’est la qualité de la matière première. De ce fait, mon père ( le fondateur de la marque, ndlr) recherchait toujours, quand on allait voir les fournisseurs, quel était le meilleur extrait. Alors on lui répondait : « c’est celui-là mais il coûte plus cher ». Cela n’avait aucune importance, il fallait que ce soit le meilleur car, pour lui, il y avait un équivalent avec la cuisine, les grands chefs et le choix des ingrédients.
Pour lui le « beau » était très lié aux matières. Il était fasciné par les dimensions du luxe. Or, dans les années 1960, on ne pensait pas encore à l’environnement.

On pensait que le pesticide était bien parce que cela débarrassait des parasites, ou que la monoculture était bien puisque lorsque l’on coupait un arbre, on le remplaçait par un autre. Après, on a pu constater les erreurs. C’était une évolution de la société. Il s’agit aussi d’une meilleure connaissance, car, la science nous permet d’évoluer et de corriger les erreurs commises. Je pense que l’on arrivera bientôt à une agriculture assez propre et qui saura lutter efficacement contre certains parasites. Néanmoins, il y a parfois un problème, notamment lorsque l’on regarde les marronniers de Paris par exemple… On n’a pas encore trouvé de solution pour soigner la maladie causée par ces petits vers, sur les feuilles, depuis 10 ans. Les platanes, les noisetiers ou les oliviers dans le sud de la France ont connu à peu près le même sort.

Ces limites de la science sont-elles l’une des raisons pour laquelle CLARINS n’est pas une marque bio ?

Absolument. Notre règle, c’est que lorsqu’il y a du bio disponible, on y va, il n’y a pas de problème. Quand nous ne sommes pas sûrs d’avoir du bio disponible régulièrement, nous n’y allons pas. C’est le cas de l’huile de noisette énormément utilisée dans nos huiles, c’est l’excipient, de la vitamine E, pratiquement pure et qui a un pouvoir de conservation fabuleux, il s’agit d’un conservateur naturel. C’est un produit qui est 100% naturel, mais nous en consommons plus de 500 tonnes par an, il n’y a donc pas toujours de disponibilité. Certaines sources d’approvisionnement bio seraient possibles à l’étranger mais nous ne sommes pas sûrs que les critères soient réellement bons. C’est pour cela que tant que nous ne sommes pas sécurisés et certains d’avoir d’une excellente filiale d’approvisionnement, nous ne prenons pas le risque.

La qualité de la matière première a donc toujours été la force de Clarins. Pour nous, elle n’a pas de prix. C’est pour cette raison que nous avons commencé à faire nos propres plantations dans un domaine dans les Alpes pour avoir l’ensemble des herbes médicinales que l’on trouve en altitude dans cette région, comme le serpolet, la gentiane, la menthe poivrée, puisque nous n’avons pas le droit de les cueillir, il faut donc que l’on puisse les planter. Nous optons donc pour des plantes médicinales d’altitude, pour plus de sûreté. Dans notre domaine, nous sommes au milieu de 150 000 hectares cultivés en altitude, nous avons donc la certitude que c’est pur. Nous allons aussi installer des ruches pour avoir du bon miel qui ne sera pas pollué avec les pesticides. Toutes ces initiatives sont toujours prises dans un souci d’avoir un approvisionnement de très haute qualité parce que c’est ce qui fait la différence.

Chaque année vous faites un don à une femme et son association via le prix de la « Femme Dynamisante» devenu le «Prix Clarins ». Comment est né ce projet solidaire?

Un jour, l’alpiniste Christine Janin est venue voir mon père en disant : « Je veux monter en haut de l’Himalaya, et je n’ai pas de sponsors. Je sais que vous aimez bien faire des tests extrêmes, si vous voulez, je peux tester des produits. » Nous avons donc testé avec elle. La première fois, cela ne fonctionne pas, puis, plusieurs fois de suite. Elle est alors revenue voir mon père et lui a dit : « On va traverser le Pôle Nord à ski et j’ai un guide avec moi, il faudrait que vous me donniez de l’eau dynamisante parce que c’est la seule chose avec laquelle je peux me laver. » Elle est donc partie et a réussi à traverser tout le Pôle Nord. Quand elle est revenue, elle a remercié mon père et lui a donné un compte rendu médical de tout ce qu’elle avait essayé. Mon père l’a félicitée et lui a dit ne pas savoir où elle trouvait tout ce courage. Elle a alors expliqué qu’elle s’occupe d’enfants atteints du cancer et que c’est pour eux qu’elle le fait, grâce à la création de son association « A chacun son Everest », où chacun doit avoir un objectif. Ils ont donc eu l’idée de créer le « Prix de la Femme Dynamisante » (puisqu’elle aimait l’eau dynamisante), il y a 21 ans. Cela a été un succès.

Pour découvrir le produit partage de l’année 2019, un baume dont le packaging a été imaginé par Elisa Tovati, ambassadrice de l’association Princesse Margot (Prix Clarins 2016), rendez-vous sur le site Clarins.fr

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